Objectif Sélune : restaurer une vallée vivante

Construits au début du XXe siècle sur la Sélune, les deux barrages hydroélectriques de Vezins et de La RocheQui-Boit étaient vieillissants et généraient des impacts négatifs sur l’environnement et la biodiversité locale : les poissons migrateurs, comme les saumons, ne pouvaient plus remonter le fleuve, la qualité de l’eau était  mauvaise... L’État et ses partenaires ont donc décidé de supprimer les deux barrages pour restaurer la continuité écologique de la vallée. Concrètement : aider la Sélune à retrouver son cours naturel, sans obstacle, pour permettre aux poissons, aux autres espèces aquatiques et aux sédiments (vase, galets, résidus de végétaux et d’animaux...) de circuler librement. C’est le projet de restauration de la continuité écologique mené par l’État depuis 2009 et rebaptisé Objectif Sélune. Aujourd’hui, les travaux sont quasiment achevés et le projet entame sa dernière phase : celle de la renaturation

Faire revivre la Sélune

Le projet de restauration de la continuité écologique : qu'est-ce que c'est ?

Les deux barrages hydroélectriques de Vezins et de La Roche-Qui-Boit et leurs lacs attenants entravaient la libre circulation des poissons migrateurs et des sédiments. L’accumulation de sédiments et la fermentation de matières organiques, issus du bassin versant, dans les retenues affectaient la qualité de l’eau. Après des études approfondies, déconstruire les deux édifices, et ainsi restaurer la continuité écologique de la Sélune, représentait la solution la plus viable pour la vallée.

Le projet de restauration de la continuité écologique de la Sélune est porté et financé par l’État depuis 2009. En sa qualité de maître d’ouvrage, il se mobilise pour mener à bien ce projet d’envergure sur le site de Vezins. La déconstruction du barrage de La-Roche-Qui-Boit étant portée par EDF Électricité de France, propriétaire de l’ouvrage. La restauration de la continuité écologique intègre également des partenaires scientifiques, universitaires coordonnés par l’INRAE (Institut National de la Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement) et associatifs.

L’objectif du projet est de permettre à la Sélune de retrouver ses caractéristiques de rivière et son cortège de biodiversité, notamment les poissons migrateurs. En effet, la présence des barrages représentaient un verrou infranchissable pour les espèces, condamnant l’accès à 700 km² de bassin versant et ennoyait 25 kilomètres de cours d’eau.

Pour en arriver là, quatre grandes étapes sont nécessaires : la gestion des sédiments présent dans les retenues, la vidange de ces dernières puis la déconstruction des barrages. Ces étapes touchant à leurs fins, le projet rentre maintenant dans sa phase finale : la renaturation.

Des premiers travaux nécessaires pour restaurer la continuité écologique du cours d’eau

La restauration de la continuité écologique de la Sélune requière nécessairement, depuis plusieurs années, d’importants travaux. L’État et ses partenaires sont mobilisés pour mener ces opérations dans le respect de la biodiversité de la vallée. La première phase de travaux s’est déroulée en trois grandes étapes :

  • La gestion des sédiments dans les retenues des barrages (de 2017 à 2019 à Vezins, et de 2020 à 2021 à La Roche-Qui-Boit) : cette étape était indispensable pour dégager le lit mineur (zone où les eaux s’écoulent en temps normal) de la Sélune. Les sédiments ont été disposés pour former les berges du futur cours d’eau et ne pas être entraînés en aval. Ces opérations ont été menées conjointement par l’État et EDF Électricité de France. Au total, 500 000 m3 de sédiments du barrage de Vezins et 160 000 m3 du barrage de La Roche-Qui-Boit auront été réutilisés. Dans le même temps, il a fallu traiter et sécuriser les sédiments pollués de l’Yvrandre (un affluent de la Sélune) par une ancienne activité industrielle.
  • La vidange des deux retenues (en 2019 pour Vezins, et au printemps 2022 pour La-Roche-Qui-Boit) : une fois les sédiments retirés, la vidange des deux lacs a pu avoir lieu. Une importante quantité d’eau a été évacuée : 19 millions de m3 à Vezins et 1,5 millions de m3 à La Roche-Qui-Boit. En parallèle, une pêche de récupération des poissons présents dans les lacs a été réalisée. 17 tonnes de poissons ont ainsi été recueillis lors des deux vidanges grâce à des pêcheries. La majorité des poissons récupérés était des poissons blancs et des silures ; inféodé aux lacs et en partie importée pour la pêche de loisirs. Une partie des animaux a été commercialisée.
  • Pendant ces opérations, les maîtres d’ouvrages ont réalisé de nombreux suivis (qualité de l’eau, matière en suspension, oxygénation …) afin de protéger les milieux.
  • La déconstruction des deux barrages (2019 à 2020 pour Vezins, et de l’été 2022 au printemps 2023 pour La Roche-Qui-Boit) : après la vidange des deux lacs, la déconstruction des ouvrages des barrages a eu lieu. Menée par l’État, la déconstruction du barrage de Vezins, et de ses annexes, a été menée selon la technique du « grignotage » de haut en bas : après l’ouverture de brèches permettant le passage d’une crue millénale, le barrage a été déconstruit progressivement par grignotage (de haut en bas). Les matériaux de déconstruction ont été broyés et stockés sur place, afin de limiter les émissions de CO2 par transport, en vue d’une utilisation ultérieure. Suivant la même technique, EDF a débuté le démantèlement du barrage de La Roche-Qui-Boit en juin 2022. Sur le site de Vezins, la dernière opération consistera à combler le canal déversoir utilisé en cas de crue (sujet à l’étude sur l’année 2023). L’ampleur des travaux est totalement inédit en Europe de par la hauteur des infrastructures (16 et 36 mètres) mais aussi la longueur du cours d’eau impacté.
  • Les mesures compensatoires pour les espèces protégées : plusieurs espèces protégées ont été identifiées lors de l’étude préalable au projet de déconstruction des deux barrages. Il s’agit d’espèces d’amphibiens, parmi eux la grenouille agile et le triton palmé par exemple, de 6 espèces de chauves-souris et d‘oiseaux, notamment les hirondelle des fenêtres. Plusieurs végétaux ont eux aussi été inventoriés ; une plante de sousbois et des végétaux présents sur les berges émergées des lacs. Afin de pallier à ces effets directs, et dans l’attente des bénéfices écologiques à longs termes, des mesures compensatoires ont été réalisées dans le cadre de l’arrêté de dérogation espèces protégées. Ainsi des habitats, tels que des mares à amphibiens ou des gîtes à chiroptères (chauves-souris), ont été créés à proximité de l’ancienne retenue de Vezins. Une espèce végétale, la Limoselle aquatique, a quant à elle, bénéficié d’un programme de conservation régional.

Focus : un projet à long terme

Une biodiversité préservée

La phase de renaturation : la dernière étape clé du projet

Les barrages n’existant plus, la dernière phase du projet, celle de la renaturation, est lancée ! L’objectif est maintenant de s’assurer du bon fonctionnement hydromorphologique de la Sélune, et de la préservation et du développement de la biodiversité sur le long terme.

La renaturation est un long processus. Il a commencé fin 2022, par des études conséquentes, avec notamment un diagnostic de la vallée et de ses diverses composantes (biodiversité, continuité écologique, paysage…). Cette étape au temps long est primordiale pour identifier les enjeux propres à la nouvelle vallée. Cela permettra par la suite d’affiner la nature des travaux à mener, au besoin, dans la vallée ; dans le respect de la richesse de cet écosystème. Ce diagnostic permettra la définition d’un projet structuré, servant de base pour la réalisation d’éventuels travaux et aménagements. À l’aval, la communauté d’agglomération Mont Saint-Michel-Normandie a annoncé sa volonté de lancer un processus de renaturation de la basse vallée de la Sélune.

La biodiversité : objectif n°1 de la phase de renaturation

La biodiversité est au cœur du projet de renaturation de la Sélune. Les nombreux aménagements et opérations conduites ont pour objectif de la préserver et de la pérenniser.

  • Favoriser la circulation des poissons et des sédiments : les deux barrages hydroélectriques de Vezins et de La Roche-Qui-Boit étaient, pour les poissons, des barrières infranchissables. Cela posait un véritable problème pour les espèces migratrices, comme le saumon atlantique, l’anguille européenne ou les lamproies. D’autant que la Sélune est le troisième fleuve français en termes de potentiel à saumons ; dans un secteur où cette espèce est présente sur les fleuves voisins, Sée et Couesnon, se jetant eux aussi dans la baie du Mont-SaintMichel. La Sélune abritait autrefois une population importante de salmonidés comme en attestent les données historiques. Cette perturbation de l’écosystème n’était pas conforme à la Directive Cadre européenne sur l’Eau. Les barrages complexifiaient également la circulation des sédiments qui s’accumulaient dans les retenues.
  • Restaurer une continuité écologique : ce projet va permettre de créer un véritable corridor écologique en assurant des connexions, et des couloirs de déplacement, entre les réservoirs de biodiversité de la vallée. Cet agencement d’espaces permettra aux espèces d’accéder aux habitats nécessaires à la réalisation de leur cycle biologique. Ces connexions renforcent la fonctionnalité des habitats naturels en conférant notamment une taille suffisante pour abriter des populations d’espèces, et à partir desquels les individus se dispersent ou qui permet l’accueil de nouvelles populations. Cela rentre dans le cadre de la trame verte et bleue qui vise àréduire la fragmentation entre les milieux naturels. Cette ambition répond à une exigence toujours plus forte et légitime pour la protection et la valorisation du patrimoine naturel, avec notamment en 2016 la loi sur la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

Une renaturation suivie de près

L’INRAE intervient depuis le début du projet, avec le déploiement d’un programme scientifique de la Sélune. Le programme vise à observer sur le long terme la  restauration écologique du cours d’eau et les différents processus et changements qui s’opèrent dans la vallée. Le travail des chercheurs se poursuivra jusqu’en 2027. Des recherches en sociologie et en géographie sont également menées par une équipe pluridisciplinaire.

L’État et ses partenaires surveillent par ailleurs de près l’état de la vallée. Des mesures quotidiennes sont réalisées pour assurer le suivi de la qualité de l’eau et des mesures compensatoires mises en place notamment. Le GMN (Groupe mammalogique normand) effectue également un suivi des mammifères semi-aquatiques, tout comme la Ligue pour la Protection des Oiseaux et le CPIE (Centre permanent d'initiatives pour l'environnement) qui réalisent des suivis réguliers. La Fédération Départementale des Associations Agréées pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique de la Manche (FDAAPPMA 50) participe au suivi des poissons amphihalins.

Une vallée qui s’ouvre à tous

Des bénéfices déjà observés !

Restaurer la continuité écologique d’une rivière est un processus long et tous les résultats ne sont pas visibles immédiatement. Le projet de la Sélune entre dans sa dernière phase et des aménagements doivent encore avoir lieu. Cependant, des résultats sont déjà visibles dans la vallée.

Une première étude, menée dans la vallée en 2021 par le Conservatoire des Espaces Naturels, montre par exemple des résultats encourageants et confirme que la biodiversité progresse. Les observations régulières dans la vallée témoignent également du retour d’un écosystème dynamique et du retour d’espèces protégées comme le campagnol amphibie ou plusieurs sortes de libellules. Deux saumons ont même déjà été repérés en amont des anciennes retenues dès l’été 2022 !

L’ouverture au public

Au cours de l’année 2023, deux premiers itinéraires de balade sont ouverts, permettant au public de redécouvrir la vallée de la Sélune sous un nouveau jour. Ces deux sentiers sont situés sur le site de la Masure et des Biards, à proximité l’un de l’autre, et forment un véritable parcours de découverte de la vallée.

Cependant, cette dernière reste toujours en chantier et la nature doit reprendre petit à petit ses droits. C’est pourquoi les sentiers sont balisés et que certaines pratiques sont interdites ou recommandées : interdiction de pêcher, de se baigner ou de cueillir des végétaux… Il est également demandé de respecter le tracé du sentier et de ramasser ses déchets. L’objectif est de ne pas perturber le travail des scientifiques et de ne pas détériorer un milieu naturel encore fragile. Les études en cours détermineront les futurs usages possibles dans la vallée et d’éventuels aménagements touristiques.